Est de la RDC: exode massif autour d'Uvira, plus que jamais menacée par le M23
Combats, fuite massive de population au Burundi voisin et signes de débandade militaire: Uvira, ville stratégique de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), était plus que jamais menacée mardi soir par la rapide avancée du M23 soutenu par l'armée rwandaise.
Cette nouvelle percée du groupe armé antigouvernemental et de ses alliés rwandais intervient près d'un an après celle qui leur avait permis de s'emparer de Goma et Bukavu, les deux plus grandes villes de l'est de la RDC. Cette région riche en ressources et frontalière du Rwanda est en proie aux conflits depuis trente ans.
Depuis mars, le front s'était relativement stabilisé et des pourparlers de paix avaient été engagés. Mais ces nouvelles violences sonnent comme un désaveu pour l'accord ratifié jeudi dernier à Washington par Kinshasa et Kigali, censé ramener la paix dans la région et qualifié de "miracle" par le président américain Donald Trump. Le texte prévoit une contrepartie économique promettant d'assurer à l'industrie de pointe américaine un approvisionnement en minerais stratégiques.
Le M23 et les soldats rwandais - entre 6.000 et 7.000 sur le sol congolais selon des experts de l'ONU -, sont désormais à une quinzaine de km au nord d'Uvira, cité congolaise de plusieurs centaines de milliers d'habitants, selon des sources sécuritaire et militaires à l'AFP. Ils étaient à une trentaine de km lundi.
Mais avant même que le M23 et les troupes rwandaises n'atteignent ses faubourgs, la ville enclavée entre des montagnes et le lac Tanganyka a commencé à se vider, habitants, soldats, policiers et personnels administratifs fuyant devant la menace.
Plus de 30.000 Congolais ont fui les combats et sont arrivés au Burundi en une semaine, selon un responsable administratif local burundais et une source onusienne. "Ces réfugiés congolais manquent de tout, on n'a pas de quoi les nourrir, les soigner", a déploré le responsable local.
Mardi, des bombardements ont résonné au cours de la journée sur Uvira, semant la panique dans les rues: "C'est le sauve-qui-peut", a dit un habitant joint par téléphone. "Nous sommes tous sous les lits à Uvira, c'est ça la réalité", a décrit un autre.
- "Chaotique" -
Des colonnes de soldats congolais, dont certains ont abandonné armes et uniformes, ont fui la ville, se dirigeant vers le sud du pays à bord de véhicules réquisitionnés à des civils ou même à pied, selon des sources militaires.
D'autres ont tenté d'emprunter un bateau sur le lac, la cohue au port local créant des tensions. Des tirs désordonnés ont été entendus.
"C'est chaotique, il n'y a plus de commandement. Uvira, c'est fini", a estimé un officier burundais contacté par l'AFP.
Certains soldats ont pillé magasins et pharmacie sur leur passage, arrachant même des téléphones aux mains des habitants, selon des témoins et des sources militaires.
Plusieurs centaines de soldats congolais et burundais avaient déjà traversé la frontière lundi pour se réfugier au Burundi.
Le M23 et les troupes rwandaises ont lancé l'offensive le 1er décembre, plusieurs sources sécuritaires signalant alors d'"importants mouvements de troupes" avec notamment l'arrivée de renforts rwandais au cours des deux dernières semaines.
Partant de la localité déjà sous contrôle de Kamanyola, ils ont comme auparavant surpassé une armée congolaise réputée mal organisée et en infériorité technologique, même si épaulée dans cette zone par des milliers de soldats burundais.
Le Burundi est présent dans l'est de la RDC depuis 2023. Avec au départ 10.000 soldats déployés, l'armée burundaise compte actuellement quelque 18.000 hommes sur le sol congolais, selon une source sécuritaire.
Uvira est la dernière grande agglomération du Sud-Kivu à encore échapper au contrôle du M23. Située sur la rive nord du lac Tanganyika, elle fait face à la capitale économique burundaise Bujumbura.
La prise de cette cité par le M23 constituerait une menace directe aux yeux du Burundi, le coupant totalement du territoire de la RDC.
Plusieurs sources diplomatiques européennes contactées par l'AFP ont toutefois minimisé les risques de débordement sur le sol burundais de l'offensive en cours.
Depuis fin janvier, le M23 contrôle déjà Goma, capitale du Nord-Kivu, ainsi que Bukavu, capitale du Sud-Kivu, depuis février. Après cette offensive d'ampleur du début d'année, le front s'était relativement stabilisé depuis mars.
Le président burundais Evariste Ndayishimiye avait été parmi les premiers à mettre en garde, tout comme l'ONU, contre le risque que le conflit dans l'est de la RDC ne tourne en guerre régionale dans les Grands Lacs.
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(K.Jones--TAG)