Kiev appelle à des négociations sur le sort de Marioupol
L'Ukraine a appelé mercredi à la tenue de négociations avec la Russie sur le sort de la ville assiégée de Marioupol, au moment où Moscou faisait une démonstration de force en testant un nouveau missile intercontinental pouvant emporter des charges nucléaires.
Mykhaïlo Podolyak, conseiller de la présidence ukrainienne et un des négociateurs avec la Russie, a proposé à la Russie une "session spéciale de négociations" à Marioupol, ville portuaire sur la mer d'Azov assiégée.
"Nous sommes prêts à tenir une +session spéciale de négociations+ à Marioupol. Pour sauver nos gars, (le bataillon) Azov, les soldats, les civils, les enfants, les vivants et les blessés. Tout le monde", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Le ministère ukrainien de la Défense a souligné que l'armée russe "concentrait l'essentiel de ses efforts sur la prise de Marioupol et poursuivait ses tentatives d'assaut près de l'aciérie Azovstal", dernier îlot de résistance de ce port situé sur la mer d'Azov, à l'extrémité sud du Donbass.
- Situation "critique"
Sviatoslav Palamar, commandant adjoint du bataillon Azov, une des deux formations ukrainiennes qui résistent encore à Marioupol, a souligné dans un message sur Telegram que la situation était "critique" dans l'usine pilonnée par l'aviation russe avec "des bombes super puissantes".
Le couloir humanitaire, qui avait en principe été négocié pour permettre mercredi l'évacuation des civils de Marioupol, "n'a pas fonctionné", a déclaré dans la soirée la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk, en accusant les Russes d'avoir violé le cessez-le-feu et bloqué les cars.
A Moscou Mikhaïl Mizintsev, un haut responsable du ministère russe de la Défense, a pour sa part accusé "les autorités de Kiev d'avoir cyniquement sabordé cette opération humanitaire", assurant que "personne n'a utilisé le couloir indiqué".
En visite à Kiev où il a rencontré le président Volodymyr Zelensky, le président du Conseil européen Charles Michel a assuré que l'UE fera "tout son possible pour vous soutenir et pour faire en sorte que l'Ukraine gagne la guerre".
Il a notamment promis que des sanctions cibleraient bientôt les exportations russes de pétrole et de gaz, comme le réclame M. Zelensky. Le président russe Vladimir Poutine "ne réussira ni à détruire la souveraineté de l'Ukraine, ni à diviser l'Union européenne", a ajouté M. Michel.
Volodymyr Zelensky, a pour sa part évoqué la situation tragique à Marioupol, où les derniers militaires ukrainiens retranchés l'usine Azovstal, ont avec eux "des centaines de blessés" et "environ un millier de civils, femmes et enfants", qu'ils "protègent au prix de leur vie".
La Russie, qui a lancé plusieurs ultimatums aux défenseurs de Marioupol, est déterminée à prendre ce port qui lui permettrait de faire la jonction entre la Crimée, qu'elle a annexée en 2014, et les républiques séparatistes du Donbass.
Au-delà de Marioupol, les combats semblaient s'intensifier tant dans l'est que dans le sud de l'Ukraine.
- "Tentatives d'assaut" dans le Donbass -
Le ministère ukrainien de la Défense a fait état mercredi matin de "tentatives d'assaut" sur les localités de Soulyguivka et Dibrivné, dans la région de Kharkiv (est), ainsi que sur Roubijné et Severodonetsk, dans la région de Lougansk (est).
"La situation se complique d'heure en heure", a écrit sur Telegram le gouverneur de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, renouvelant ses appels aux civils à évacuer. "Mettez-vous en sécurité (...). Partez!", a-t-il écrit.
A Kramatorsk, grande ville de la région de Donetsk, des habitants interrogés par l'AFP s'attendaient au pire. "Ca va être le merdier", prédit Alexandre, 53 ans.
Les bombardements s'intensifiaient aussi dans le sud, notamment sur les villages de Mala Tokmatchka et d'Orikhiv, à 70 km au sud-est de Zaporijjia, a constaté un journaliste de l'AFP.
Alors que la guerre semblait encore lointaine la semaine dernière, désormais avec les frappes russes "les maisons tremblent et c'est beaucoup plus fréquent", a dit Vitaly Dovbnia, précisant avoir une valise prête dans le coffre de sa voiture.
Selon un haut responsable américain du département de la Défense, la Russie a augmenté sa présence militaire dans l'est et le sud de l'Ukraine.
- Nouvelles armes pour Kiev -
"Cette nouvelle phase" de la guerre, comme l'a qualifiée mardi le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, s'annonce acharnée. D'autant que l'Ukraine reçoit désormais des armes lourdes que les Occidentaux hésitaient à lui fournir auparavant.
Après la livraison de pièces d'artillerie annoncée la semaine dernière par le président américain Joe Biden, les Ukrainiens ont désormais "à leur disposition plus d'avions de chasse qu'il y a deux semaines", a déclaré mardi le porte-parole du Pentagone John Kirby.
Il a cependant précisé mercredi que contrairement à ce qu'il avait laissé entendre la veille, l'Ukraine avait reçu des pièces détachées permettant de remettre en état ses propres avions, et non de nouveaux avions.
"J'avais compris que l'offre d'un autre pays de la région de fournir des avions entiers à l'Ukraine ... avait été mise en œuvre. Ce n'est pas le cas", a déclaré le porte-parole à la presse.
La Pologne avait précédemment déclaré mettre à disposition des Mig-29 soviétiques dont les pilotes ukrainiens sont familiers, mais sa proposition avait officiellement été écartée par les Etats-Unis de crainte d'une escalade.
Washington s'apprête aussi à approuver un nouveau paquet d'aide militaire s'élevant à 800 millions de dollars, moins d'une semaine après une annonce d'une tranche du même montant, selon plusieurs médias américains.
En retour, le président russe Vladimir Poutine a annoncé mercredi un essai réussi d'un nouveau missile balistique "qui fera réfléchir à deux fois ceux qui essayent de menacer notre pays". Ce tir était un essai de "routine" et ne constituait "pas une menace" pour les Etats-Unis ni leurs alliés, a relativisé le Pentagone.
Après de longues hésitations, Israël a indiqué mercredi qu'il acceptait, pour la première fois, d'envoyer des équipements de protection (des casques et des gilets pare-balles), à l'armée ukrainienne.
- Négociations au point mort -
L'appel mardi du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres à une trêve "humanitaire" de quatre jours pour les fêtes orthodoxes de Pâques - renouvelé mercredi par le coordinateur de l'ONU en Ukraine Amin Awad - semblait en revanche avoir peu de chances d'être entendu.
D'autant que les négociations russo-ukrainiennes, censées continuer en ligne depuis la dernière séance physique à Istanbul fin mars, semblent au point mort.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a affirmé mercredi que les Ukrainiens "ne cessent de se retirer de ce sur quoi il y avait des ententes". "La balle est dans leur camp", après que Moscou leur a remis "un projet de document", a-t-il ajouté sans préciser le contenu de ce texte.
L'invasion russe a déjà poussé vers les pays voisins de l'Ukraine, à commencer par la Pologne, plus de cinq millions d'Ukrainiens, un record depuis la Seconde guerre mondiale.
Le conflit a aussi chamboulé certains grands équilibres mondiaux. Des pays européens qui ne faisaient pas partie de l'Otan semblent désormais prêts à rejoindre l'Alliance militaire, comme la Finlande, dont le Parlement entamait mercredi un débat sur une adhésion.
Sa candidature est désormais probable, et cette évolution est suivie de près par la Suède voisine, qui pourrait lui emboîter le pas.
(F.Schuster--BBZ)